N°509:UNE: Signature de la plate-forme des Houphouétistes à Paris Bédié et Ado négocient à Paris l’après Gbagbo
Le PDCI-RDA, le RDR, l’UDPCI, le MFA et l’USD se retrouvent, ce mercredi 18 mai 2005 au salon Hoch, 9 avenue Hoch ( et non à l’Hôtel Royal Monceau Paris comme prévu), pour donner naissance à la plateforme des Houphouétistes. Une stratégie de conquête du pouvoir d’Etat par les voies des urnes. Alliance de raison ou rassemblement contre nature ? En tout cas, de la Gauche démocratique au Rassemblement des Houphouétistes, l’histoire des alliances politiques en Côte d’Ivoire se suit et se ressemble. Presque.
L’opposition civile ivoirienne se retrouve, ce mercredi 18 mai 2005 à Paris, pour parapher la plateforme des Houphouétistes. Une structure politique qui entend rassembler tous les partis politiques qui se réclament de la philosophie du premier président de la République de Côte d’Ivoire, fondateur du Parti démocratique de Côte d’Ivoire- Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA).
Dans un entretien accordé à ” Fraternité Matin “, hier mardi 17 mai 2005, le président du Directoire du G7 a tenté de tracer les contours et de définir les objectifs du jeune mouvement en création. ” …il s’agit de regrouper les enfants de Félix Houphouet-Boigny, d’organiser le combat politique au plan démocratique pour défendre l’héritage que Houphouet-Boigny nous a laissé, au-delà des problèmes de personnes. Bien sûr l’organisation des Houphouetistes a un but: sauver l’héritage, aider la Côte d’Ivoire à sortir de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons et, selon ce que Houphouet-Boigny nous a enseigné, prévoir l’avenir du pays; donc concevoir une action commune de gouvernement, un programme de gouvernement, une répartition des responsabilités pour aller à la reconstruction du pays “, explique le Pr Alphonse Djédjé Mady.
Qui est Houphouétiste ?
Le secrétaire général du PDCI-RDA a également précisé la nature et le cadre du combat du Rassemblement des Houphouétistes. ” Le regroupement doit s’inscrire dans le cadre de la loi républicaine que nous devons respecter. Ne sont habilités à s’organiser et à aller à la conquête ou à la reconquête du pouvoir d’État que les partis politiques légalement constitués ou des citoyens qui, esseulés, veulent être candidats indépendants “, développe encore l’ancien ministre de la Santé d’Houphouet-Boigny.
Qui peut être qualifié d’enfant d’Houphouet-Boigny ? Le numéro 2 du parti cinquantenaire explique : “être enfant d’Houphouet, ce n’est pas être enfant charnel, mais spirituel. Le PDCI, ce n’est même pas la peine d’en parler puisque c’est la famille que lui-même a créée et dans laquelle il a mené son action. Donc les gens du PDCI sont les héritiers légitimes d’Houphouet-Boigny. Le RDR est composé de militants du PDCI qui, en 1994 devant des problèmes bien connus, ont quitté la maison mère qu’est le PDCI mais qui se réclament de la philosophie politique d’Houphouet-Boigny pour avoir travaillé avec lui. Personne ne peut leur nier le fait qu’ils soient des disciples d’Houphouet-Boigny. Quant à l’UDPCI, même après le coup d’État de 1999 (24 décembre 1999, ndlr), le général Guéi continuait de se réclamer militant du PDCI. Sa femme (Rose Doudou Guéi) était la 1ère vice-présidente de l’UFPDCI. Pour des problèmes d’incompréhension, ils ont créé l’UDPCI. Vous connaissez tous les ténors de ce parti; ils étaient hier les ténors du PDCI. Donc, ce sont des enfants d’Houphouet-Boigny et cela ne peut pas se discuter “.
La Gauche démocratique
Seulement, l’histoire des alliances politiques en Côte d’Ivoire a une histoire qui date d’avant les indépendances. Si on se limite à un passé récent, le cas de l’Union de la gauche en 1995 est illustrateur de l’incapacité des hommes politiques ivoiriens à se placer au-dessus de leurs intérêts personnels.
Après le décès du président Félix Houphouet-Boigny, le 7 décembre 1993, l’Union de la gauche, qui regroupe ses plus farouches adversaires, estime que le règne du PDCI-RDA qui est aux affaires depuis l’indépendance (et même avant) en 1960 est révolu.
Et qu’il est hors de question qu’un seul parti politique dirige indéfiniment la Côte d’Ivoire. La même indignation que celle observée au Togo, après le règne presque quarantenaire de Gnassingbe Eyadema. Il faut donc faire bloc pour affronter l’ogre PDCI-RDA à la présidentielle annoncée de 1995.
Les têtes fortes de l’Union de la gauche, véritables agitateurs d’idées, sont Laurent Gbagbo, président du Front populaire ivoirien (FPI) et historien qui a affronté sans succès le “Vieux” en 1990 ; Francis Vangah Wodié, président du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) et constitutionnaliste émérite ; Bernard Zadi Zaourou, président de l’Union des sociaux démocrates (USD) et homme de lettres reconnu ; Moriféré Bamba, président du Parti pour le socialisme (PPS) et éminente personnalité du monde scientifique…. Et, enfin, le candidat virtuel du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Dramane Ouattara. L’ennemi juré et commun n’est autre que le successeur de Félix Houphouet-Boigny, Henri Konan Bédié.
L’opposition pose ses conditions pour un scrutin transparent : Commission électorale indépendante, vote des jeunes de 18 ans, urnes transparentes, révision du Code électoral…. Mais, en fin de compte, le bloc de la Gauche démocratique va se fissurer. Francis Wodié va se jouer des ses camarades et décider de participer au scrutin. Les ” traîtres ” seront récompensés, peu après le scrutin. Le Pr Wodié est nommé ministre de l’Enseignement supérieur et le Pr Bernard Zadi Zaourou, ministre de la Culture.
Le Front républicain
Ce qu’il restait de la Gauche démocratique d’avant 1995 s’est reconstitué en une autre alliance. Avec le même objectif : la conquête du pouvoir d’Etat. Il s’agit du Front républicain. Les têtes fortes de cet autre regroupement sont le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR). Le successeur d’Houphouet-Boigny adopte les mêmes méthodes qu’en 1995 : diviser son opposition pour mieux conserver le pouvoir d’Etat. A trois ans du scrutin d’octobre 2000, des tractations sont engagées avec un des bras forts du FPI. Henri Konan Bédié diabolise le RDR. Et traite surtout son président de tous les noms. Une véritable saga politico-judiciaire est orchestrée contre le RDR et son président. Tandis que Laurent Gbagbo fait l’objet de toutes les attentions de la part du régime. On en est là quand survient le coup d’Etat du 24 décembre 1999.
Refusant de s’encombrer d’un allié diabolisé, humilié et vomi, Laurent Gbagbo, au cœur de la transition militaire, décide de lâcher son ” frère ” d’hier. Il exploite surtout un contexte sociopolitique très favorable. Où l’ivoirité, le concept élaboré par Henri Konan Bédié, a accentué les clivages. Et fabriqué des Ivoiriens pur-sang et des Ivoiriens de circonstance. La campagne référendaire pour l’adoption de la constitution de la IIe République oppose des Ivoiriens faits pour le pouvoir d’Etat et d’autres Ivoiriens qui n’en ont pas droit. Entre le putschiste, auteur du premier coup d’Etat en Côte d’Ivoire, Robert Guéï et le ” Mossi qui vient piller toutes les richesses de la Côte d’Ivoire “, Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo se présente comme le patriote, garant des intérêts supérieurs des vrais Ivoiriens. Le verdict des élections d’octobre 2000 n’est donc pas surprenant. Mais, il conjugue rancoeurs et trahisons de plus d’une décennie. La guerre du 19 septembre en est la conséquence directe.
Rassemblement
des Houphouétistes
A la veille des élections du 30 octobre 2005, les pires ennemis d’hier ont décidé de taire un moment leurs rancoeurs. Et de se mettre ensemble pour reconquérir le pouvoir d’Etat. Henri Konan Bédié du PDCI-RDA, Alassane Dramane Ouattara du RDR, Albert Mabri Toikeusse de l’UDPCI, Innocent Anaky Kobenan du MFA et Jérôme Climanlo Coulibaly de l’USD signent, aujourd’hui à Paris, la plateforme des Houphouétistes. Au nom d’Houphouet-Boigny. Un prétexte peut-être original. Mais, qui a du mal à convaincre les irréductibles frères ennemis d’hier, du PDCI et du RDR. Peu sont les militants des partis concernés qui y croient. Un sérieux contentieux oppose, en effet, Bédié et Ouattara, depuis la guerre de succession de 1993. Le président du PDCI n’a jamais remis en cause ses accusations contre Ouattara, consignées dans son livre-entretien, ” Sur les chemins de ma vie”. Il s’est chaque fois contenté d’éluder ces questions quand elles ont été abordées. Tant qu’il n’aura pas été vidé, rien de sérieux ne pourra être bâti par les deux hommes. L’alliance Bédié-ADO se ferait sur un fonds de calculs politiciens. L’un comptant, en secret, se servir de l’autre comme escalator pour déloger Laurent Gbagbo de la présidence de la République.
Ce qui fait déjà dire à nombre d’observateurs que le Rassemblement des Houphouétistes ressemble étrangement au mouvement de la Gauche démocratique des années 1990 et au Front républicain des années 1995. Auront-ils, cependant, la même fin, faite de trahison avec son cortège de Judas ?
Vicky Delore
Le programme de la cérémonie
Contrairement à ce qui avait été annoncé, la signature de la plateforme des Houphouétistes ne se déroulera plus à l’Hôtel Royal Monceau à Paris. Mais, plutôt au Salon Roch situé au 9, Avenue Roch à Paris, une salle de 700 places.
Toutes les délégations sont déjà arrivées dans la capitale française.
Une soixantaine de cadres du Rdr ont effectué le déplacement. Une centaine de responsables du Pdci ont débarqué sur les bords de la Seine. Au nombre des barons du parti cinquantenaire on peut citer : Camille Alliali, Léon Konan Koffi. La famille Houphouet-Boigny, invitée, était encore attendue, hier soir. Plusieurs responsables de l’UDPCI, du MFA et de l’USD ont également effectué le déplacement. L’Usd de Jérôme Climanlo, malgré sa présence, ne prendra pas part à la cérémonie, n’ayant pas participé aux travaux préparatoires. Il n’y a pas non plus de précision sur la présence de Guillaume Soro, le secrétaire général de la rébellion qui se trouve dans la capitale française.
La cérémonie va durer 1h30, en raison de sa retransmission en vidéo-conférence à la Maison du Pdci-RDa de Cocody, à partir de 9heures à Abidjan, 11h à Paris et sur Internet.
Noël Némin, proche collaborateur du président Bédié va ouvrir la série des interventions, suivi d’Abdou Touré, qui va officier en tant que modérateur. On va, après, procéder à la signature de l’accord.
Ensuite Anaky, Mabri, Ado et Bédié vont faire des interventions. Un cocktail va mettre fin à la cérémonie. Des militants et sympathisants du parti résidant en France ont envahi les lieux de la cérémonie pour être témoin de l’événement.
V.D. (infos : Koné André à Paris)